mercredi 13 octobre 2010

LE COMMANDO

Les commandos de chasse ont été créés par le général CHALLE pendant la guerre d’Algérie. Ils les avait appelés mes «Têtes Chercheuses ». Ils ont été supprimés après. A ma connaissance ils n’existent plus.
D’après la presse actuelle, spécialisée en la matière, ces commandos sont les unités qui ont le plus souffert sur le terrain, plus que la légion et les paras.
Ce n’est pas moi qui le dit.
Une petite explication s’impose sur ces commandos de chasse. Unités combattantes équipées d’un armement léger, leur mission est d’être sur le terrain pratiquement tout le temps. Leur caractéristique principale est de pouvoir partir très vite en opération, par n’importe quel temps et pour une durée indéterminée.
Les commandos de chasse ont parfois un nom personnalisé, souvent le nom de leur créateur, et toujours un numéro d’indicatif.
Pourquoi Challe a créé ces commandos ?
En 1959, les rebelles, qui ont subi de lourdes pertes, se réorganisent en unités plus petites. Ils se regroupent en katiba ou en fasila. La katiba est, à peu près, l’équivalent d’une compagnie d’environ une centaine de soldats. La fasila représente une section dans notre armée soit une trentaine d’hommes.
A mon arrivée en 59 mon commando combattait donc des katibas et, surtout, des fasilas.
Du fait de la dispersion des rebelles en petites unités, la guerre sur le terrain avait complètement changé. C’est pour harceler ces petites unités que le général Challe a créé les commandos de chasse.
Voilà la raison de notre présence quasi permanente dans le djébel et de nos nombreux accrochages, pratiquement à chacune de nos sorties. En insécurité permanente, nous ne pouvons compter que sur nous-mêmes de jour comme de nuit.
Vous allez voir, qu’en effet, nous n’avions rien à envier aux légionnaires et aux paras pour ce qui est du baroud et du casse-pipe.
Ceci me rappelle une discussion avec un copain de travail il n’y a pas si longtemps.
Il a mon âge et m’affirmait avoir également fait partie d’un commando en Algérie.
A ma demande, il a été incapable de me donner le nom ou l’indicatif de son commando. Cherchez l’erreur. Pourquoi les gens veulent-ils toujours se faire « mousser » ?
Le mien est le commando de chasse Bertin-Mourot. Son indicatif est Kimono 40. Beaucoup de ces commandos ont comme indicatif Kimono…Il a été créé en octobre 1958 par le lieutenant Bertin-Mourot, un an avant mon arrivée. Bertin-Mourot est mort en Algérie en avril 1959. Je ne l’ai pas connu.
Ces informations me viennent d’un copain actuel qui était au commando à son origine, salut GM, et que j’ai côtoyé pendant quelques mois. Salut également à RB, GG, MI, GV, que j’ai également connu un peu plus tard. Je n’ai retrouvé que ces cinq compagnons de baroud. Je les ai trouvés en fouinant sur tous les sites internet spécialisés. Nous échangeons nos souvenirs et nos photos plus de quarante cinq ans après.
Ces unités, appelées « Harkas » ou « Commandos », ont les indicatifs de « Kimono », « Volontaire » ou « Partisan » associés à un numéro d’ordre.
Notre commando est formé d’une unité de commandement, de quatre sections d’environ trente soldats chacune et d’une petite section non opérationnelle pour l’ordinaire du camp. L’effectif est donc d’environ cent cinquante bonhommes.
Une particularité de notre unité : elle est constituée d’une quarantaines de harkis répartis dans les différentes sections opérationnelles.
Un harki est un Algérien, en principe pro-français qui, moyennant un salaire, s’est engagé dans l’armée. Il y a quelques gradés parmi eux. Je me souviens de l’un d’eux qui a été nommé maréchal des logis, l’équivalent de sergent, pendant mon séjour.
Il n’est pas dans notre section. C’est un sacré bon élément sur le terrain.
En général, quand nous sommes au camp, les harkis vont voir leur famille, sans arme. Je ne suis pas sûr qu’ils n’aient pas un revolver dans une poche.
Certains harkis ont déjà la cinquantaine. Il est souvent difficile de leurs donner un âge. Bien qu’ils ne soient plus très jeunes, ils tiennent le coup sur le terrain car ils ont l’habitude des marches en montagne.
J’ai eu l’occasion de rencontrer d’autres commandos composés presque en totalité de harkis. L’encadrement seul était européen.
Revenons à mon commando et parlons de son équipement et de son armement.
C’est important pour comprendre notre mission et notre engagement. Une section comme la mienne se compose de trois équipes de « voltigeurs » et de deux équipes de soutien dénommées « pièces ». Chaque équipe est constituée, en principe, de cinq à six soldats. Au total une section comprend donc trente à trente cinq gars.
Dans un commando une équipe de « voltigeurs » doit pouvoir se déplacer très vite sur le terrain.
Elle est donc pourvue d’un armement léger : trois soldats avec un pistolet-mitrailleur et trois autres avec des fusils lance- grenades.
Les pistolets-mitrailleurs ( PM en abrégé ) sont des MAT 49.
MAT est l’abréviation de Manufacture d’Armes de Tulle. Le pistolet-mitrailleur est communément appelé mitraillette.
C’est une arme assez courte et légère qui tire des balles en rafale. La MAT 49 est entièrement en acier.
C’est un PM de qualité, léger et très maniable. Il est d’une grande simplicité de conception. Je ne l’ai jamais vu tomber en panne, même dans les pires conditions d’utilisation.
Sous la pluie pendant plusieurs jours, couvert de boue, il ne s’est jamais enrayé.
Ce PM a équipé l’armée française et dnc la gendarmerie pendant de nombreuses années.
Les fusils sont des MAS 36 au début, puis des MAS 49 et enfin des MAS 56. MAS est l’abréviation de Manufacture d’Armes de Saint-Etienne.
Chaque équipe est commandée par un brigadier.
Je fais encore une parenthèse pour vous expliquer qu’il y a une différence de dénomination entre les grades de l’artillerie et de l’infanterie.
Dans l’artillerie, la cavalerie et le train les premiers grades sont : brigadier, brigadier chef, maréchal des logis, maréchal des logis-chef et maréchal des logis-major .
C’est l’équivalent de caporal, caporal chef, sergent, sergent-chef et sergent-major dans les autres armes. Les grades suivants, à partir d’adjudant, sont les mêmes.
Fermons la parenthèse.
Les harkis sont souvent porteurs d’une musette de chargeurs pour fusil mitrailleur ou d’un équipement spécial pour le lancer de grenades à fusil.
Cette grenade est vulgairement appelée « patate » et le fusil le « lance-patate ».
Cette « patate » a une forme assez effilée, aérodynamique pour faciliter sa pénétration dans l’air.
Elle est munie, à sa partie inférieure, d’ailettes directionnelles. Certaines font du bruit en vol. La technique consiste à placer la grenade au bout du fusil et à enlever la sécurité d’extrémité. Ensuite, il faut introduire une cartouche spéciale dans le canon et poser la crosse du fusil par terre pour amortir le choc. Le tir consiste à incliner et orienter le fusil selon la distance et la situation de l’objectif.
Je ne me suis jamais servi de grenades à fusils.
J’ai une bonne histoire, véridique, à ce sujet.
Au cours d’un accrochage, alors que deux ou trois rebelles se sauvent, un harki a voulu leur balancer une « patate ».
Dans la précipitation il oublie d’enlever la sécurité. Notre ami a tellement bien visé que l’un des « fel » prend la grenade dans le dos sans exploser.
Nous avons pu récupérer notre rebelle qui était, malgré tout, mal en point. C’est une histoire qui a fait le tour du camp.
J’ai eu l’occasion de revoir cet harki tirer des grenades. Il est très doué et, à mon avis, ce n’est pas par chance qu’il a réalisé cet exploit.
Une équipe de soutien comprend le même nombre d’individus mais avec un armement un peu plus lourd : un chef d’équipe avec une MAT, un tireur avec un fusil mitrailleur, le fameux FM 24-29, et trois ou quatre porteurs de munitions pour le FM et équipés chacun d’un fusil.
Chaque porteur doit donc se coltiner, en plus de son barda, de son fusil et de ses munitions personnelles, une musette de chargeurs pour le FM : une dizaine de chargeurs dans chaque musette. La musette est en tissus épais imperméable et possède des bretelles en cuir. Nous l’installons sur le dessus du sac à dos. Vous imaginez la hauteur et le poids de l’ensemble.
Dans chaque section il y a au moins un ou deux gars avec un fusil à lunette. Ce fusil est, bien sûr, confié aux très bons tireurs. Je ne crois pas, qu’à l’époque, beaucoup d’unités avaient ce genre d’armement.
Je n’ai jamais eu l’occasion de m’en servir. Je vois encore les gars, possesseurs de ces lunettes, les bichonner avec soins. Ils n’ont pas toujours la lunette avec eux. Tout dépend du type d’opérations.
A la tête d’une section de combat il y a souvent un militaire de carrière : un maréchal des logis chef, un adjudant ou un adjudant chef.
Parfois nous avons un appelé comme nous, un sous-lieutenant qui a fait EOR ( Elèves Officiers de Réserve).
Ce chef de section a deux ou trois maréchal des logis ou brigadier chef pour le seconder. Ils ont des cartes d’état major, une boussole et une paire de jumelles.
Ils sont munis également d’un petit poste radio, le PP8 de portée limitée : deux à trois kilomètres, quelques fois moins en montagne.
Le chef de section dispose de trois ou quatre gars avec des MAT et d’un opérateur radio avec son poste C10 pour former une petite unité de commandement. J’allais oublier. La section de commandement, composée de quelques gars, est sous les ordres directs du chef de commando. Ils ont un armement divers. Il y a également dans cette section un radio avec son C10 et un infirmier avec son sac de premiers secours.
Une particularité de l’armement pour clore le sujet. Les chefs de section sont équipés d’une carabine américaine ultra légère : la carabine m1 US.
Le commandant et les radios ont, en principe, un pistolet à la ceinture. Il n’est pas interdit, pour eux, d’avoir une autre arme : une MAT par exemple.
N’oublions pas toute la panoplie des grenades individuelles : défensives, offensives, quadrillées, lacrymogènes, incendiaires.
Je pense que c’est la grenade quadrillée qui fait le plus de dégâts.
J’ai vu les dégâts causés par ces quadrillées. C’est impressionnant. Je vous en reparlerai.
En principe ce sont les gars armés d’un PM qui ont des grenades : deux ou trois chacun. Ils les portent dans les deux poches du haut de la veste ou dans un étui en toile à la ceinture.
Nos cartouchières sont en cuir, quelque fois en toile.
Pour clore le sujet, n’oublions pas les fusées éclairantes pour la nuit. Quand elles sont bien lancées elles nous permettent de très bien voir autour de nous. Beaucoup de rebelles se sont faits piégés.
Voilà pour l’armement de notre unité de combat.
Parlons maintenant de notre équipement vestimentaire. Dans les deux à trois jours qui ont suivi mon arrivée au commando, j’ai touché un deuxième paquetage : le paquetage spécial commando.
Croyez-moi, il porte bien son nom.
Jugez en par vous-même.
Il comprend : la veste camouflée, la casquette camouflée avec rabats arrières pour se protéger du soleil, le béret noir, la veste fourrée (rien à voir avec la veste matelassée de certaines unités), l’anorak avec capuche, les chaussures rangers en cuir, les chaussures pataugas en toile pour les longues marches.
La chaussure pataugas ressemble, par la forme, à la chaussure de basket de l’époque. En toile imperméable avec extrémités renforcées et semelle épaisse, elle est idéale en montagne.
Beaucoup de randonneurs en sont encore équipés aujourd’hui.
Je continue. La djellaba très utile pour les nuits à la belle étoile, le duvet, la toile de tente camouflée et pour clore le tout le poignard commando. Je crois que j’avais aussi une paire de gants kaki en laine. Je ne me suis jamais servi du duvet : trop encombrant à trimballer et trop voyant dans la nature.
Il est de couleur bleu ciel. Normalement il doit être enveloppé dans la toile de tente. Comme si nous avions le temps de faire tout cela sur le terrain. Mon duvet me servait de couverture supplémentaire, en hiver, sur mon lit de camp.
Le béret noir a la même taille que les bérets rouges et verts des paras et de la légion. Il y a une façon bien particulière de le porter. Il doit être replié à l’intérieur sur le côté gauche et relevé sur le côté droit. Il doit recouvrir légèrement le front.
C’est facile de reconnaître les jeunes recrus. Ils donnent l’impression d’avoir une galette sur la tête.
Ils apprendront comme tout le reste. Nous sommes tous passés par là.
Avec les anciens nous apprenons aussi à retailler nos pantalons car ils sont trop larges aux jambes. Les pantalons trop larges font du bruit la nuit.
Avouez que pour une unité comme la notre, dont la principale qualité sur le terrain est le silence, c’est un comble. N’oublions pas non plus que la mode, à l’époque, est plutôt au pantalon fuseau.
En fait, nous ne les retaillons pas. Nous faisons un pli intérieur tout le long de la jambe. Pour ce faire nous nous débrouillons pour trouver fil et aiguille. Comme nous le faisons nous-mêmes ce n’est pas toujours sensationnel.
Parfois ils sont cousus avec du fil blanc quand ce n’est pas avec de la ficelle. Nous ne participons pas à un défilé de mannequins. Dans le bas du pantalon nous rajoutons un élastique. C’est la classe.
Il faut avouer que certains ont une drôle de dégaine. Là aussi notre hiérarchie militaire nous fout la paix avec ce genre d’extravagance. Nous avons vraiment l’air d’une équipe de « branquignoles ».
J’ai appris à voyager léger donc pas de matériel ni de vêtements superflus.
J’allais oublier. Nous avons aussi des caleçons longs en coton pour les nuits d’hiver. Ne riez pas mesdames car je m’en suis beaucoup servi.
Notre tenue de sortie est identique à celle des autres hormis le béret noir, les rangers et l’insigne de commando sur la manche droite du blouson en hiver ou de la chemise en été.
L’insigne, en tissus, représente un trident de gardian argent et noir sur fond rouge avec l’inscription commandos de chasse en blanc au-dessus du trident. C’est le général CHALLE, le créateur des commandos de chasse, qui l’a institué en 1959. Normalement nous portons également une fourragère, des épaulettes et l’insigne du régiment.
Comme nous ne sommes pas très disciplinés, la plupart du temps nous ne mettons pas ces attributs ornementaux. En fait de sorties, elles ne sont pas très nombreuses et pour aller où ?
Nous sommes en opération aussi bien le samedi et le dimanche qu’un autre jour de la semaine.
Voilà pour mes nouveaux vêtements. Je suis fin prêt et équipé de neuf pour le baroud.
Le baroud ! J’en ai fait un sacré paquet.
L’organisation pour les opérations est bien conçue et ne laisse rien au hasard.
Une section sur quatre, à tour de rôle, ne part pas pour assurer la protection du camp pendant une semaine. Les trois autres sections et le commandement sont prêts à partir à tout moment. A mon arrivée les quatre sections partaient en opération.
C’est donc environ une centaine de gars qui constitue le commando sur le terrain. Le transport se fait par des camions GMC ou des hélicoptères Sikorsky.
C’est la première fois que les hélico sont vraiment utilisés pour le transport de troupes : la légion, les paras et les commandos.
Inutile de vous dire que notre armement est prêt en permanence.
Chacun révise sa panoplie dans l’heure qui suit un retour d’opération.
Il nous est arrivé de rentrer au camp en fin de journée et de repartir la nuit suivante ou le lendemain matin.
Notre survie dépend, avant tout, de l’état de notre armement individuel. Tout le monde le comprend très vite. Cette tâche consiste à nettoyer son arme personnelle et à vérifier son bon fonctionnement, à se réapprovisionner en munitions de toutes sortes.
Il faut également vérifier les chargeurs, les alimenter en balles sans oublier les traçantes.
Une balle traçante est une balle visible la nuit, qui permet donc de corriger son tir. En fait de visibilité, la balle ressemble à une braise incandescente de couleur rougeâtre ou jaunâtre. Nous en mettons une sur cinq ou six. C’est assez efficace.
J’en ai utilisé beaucoup dans mes chargeurs quand j’étais tireur FM.
Nous devons aussi mettre des piles neuves dans les radios et vérifier leur bon fonctionnement.
La radio est également un élément de survie. Rien n’est laissé au hasard. Tout est important.
J’allais oublier. Il faut inspecter son équipement vestimentaire, son état, sa propreté souvent discutable.
A ce propos nous ne sommes pas les rois du lavage.
La propreté de nos tenues comme de nous-mêmes laisse souvent à désirer. Nous ne sommes pas rasés de près tous les jours.
C’est seulement quand tout a été revu et corrigé que nous nous reposons et ceci même quand nous avons passé plusieurs jours sur le terrain.
Un début d’opération se fait à peu près toujours de la même façon.
La consigne vient en général d’un sous-officier de la section et arrive toujours quand nous nous y attendons le moins. Messieurs, départ dans une heure. Prévoyez les rations et tout ce qu’il faut pour un, deux, trois jours. Attention on restera peut-être plus longtemps. Nous serons ravitaillés sur place par un camion ou un hélico. Quelques copains vont chercher les rations et le pain à l’ordinaire. Le pain est un peu plus petit qu’un pain de deux livres.
Nous avons un demi-pain par jour et par bonhomme. C’est suffisant. Je n’en ai jamais manqué.
Quand je suis arrivé au commando, nous avions le célèbre pain de guerre. J’ai eu l’occasion de le goûter. C’est une calamité. De la taille d’un grand biscuit, il est dur comme du caillou. Je n’exagère pas du tout. Il faut le faire tremper dans de l’eau, pendant un bon moment, et avoir de bonnes dents pour pouvoir le croquer. Impossible de le consommer sur le terrain.
Il y a eu, comme qui dirait, un début de révolte avec ce pain, si bien que notre commandant l’a supprimé et remplacé par du pain frais. Il a disparu de nos rations aussi vite qu’il était venu.
Les conserves n’ont pas d’étiquette ni de marque. Les boites, principalement du corned-beef, sont d’une couleur kaki-vert.
Le corned-beef est de la conserve de viande de boeuf. Ce n’est vraiment pas terrible comme goût. Il y a également une espèce de boite de pâté qui n’est pas trop mauvaise.
Chacun prépare son sac comme il l’entend. En général on vide les boites de ration pour trier son contenu.
Nous gardons les conserves, le sucre, les sachets en poudre de café et d’orangeade, sans oublier le petit flacon de gnole. Ah ! le flacon d’eau de vie, quel souvenir ! Tout le monde le boit en opération.
Il nous donne un petit coup de fouet quand on est crevé.
Il nous remonte le moral et nous occulte la peur. Ne me demandez pas de quel fruit sort cet alcool miracle. Je ne le sais pas. Je me souviens qu’il était légèrement ambré et assez fort. Je classerais ce tord-boyau miracle plutôt dans les eaux-de-vie de pommes, autrement dit un mauvais calva.
C’est l’équivalent du fameux quart de vin pendant la grande guerre.
Tout le reste, sachets contre le palu ou autres maladies pas toujours avouables, direction poubelle.
Je me souviens, qu’après épuration, deux rations tenaient dans une seule boite. Toujours le souci de porter léger. Je mettais une ration dans chaque poche de côté du sac donc deux jours de bouf. Dans son carton d’emballage et en serrant un peu elle fait juste la taille d’une poche. J'avais donc deux jours de bouf.
On s’habille suivant l’époque de l’année. Nous vérifions le contenu de notre sac à dos.
Equipés de notre armement et de notre sac bien rempli, nous nous rassemblons dehors en attente des camions. Le chef de section vérifie la présence de ses gars et leur équipement.
Les camions arrivent dans un nuage de poussière. En général ils sont toujours à l’heure et l’embarquement se fait aussitôt dans les six ou sept GMC prévus pour notre transport.
Ce sont souvent les mêmes chauffeurs. Nous nous lions d’amitié avec eux car ils font également un sale boulot.
L’habitude de nous trimbaler sur de mauvaises pistes en font des as du volant. J’aurai l’occasion de vous en reparler. Une caractéristique de notre installation dans les camions : leur arrière est à moitié abaissé pour faire une petite plate-forme.
Ceci permet l’évacuation rapide des camions en cas de besoins et, surtout, l’installation en batterie pendant le parcours, d’un FM sur sa béquille.
Parfois une indiscrétion d’un sous-off permet de connaître notre destination. Je crois que, dans certains cas, il vaut mieux ne rien savoir.
En route vers notre destin.
Cette explication étant terminée, revenons à mon affectation dans la quatrième section du commando. Me voilà parachuté dans une équipe de soutien.
Je suis doté d’un fusil MAS36 et chargé de porter l’une des fameuses musettes de chargeurs FM.
La galère.
C’est avec cette saleté de musette que j’ai le plus souffert physiquement. Le MAS36 est un fusil solide mais plutôt archaïque. Je n’ai jamais compris pourquoi l’armée avait autant de retard dans l’attribution de son armement.
Pendant mes deux ans d’Algérie, j’ai eu le privilège de voir trois fusils différents : Le MAS36 donc, le MAS49 et le MAS56 à la fin de mon séjour. Le MAS36 n’a pas de chargeur. Il est pourvu d’un magasin à cartouches.
L’inconvénient est de devoir réintroduire une cartouche dans le canon après chaque tir : il n’est pas automatique.
Les deux derniers sont munis d’un chargeur mais le MAS56 est quand même plus léger et surtout plus court.
Pour nos munitions, nous avons des cartouchières en cuir à la ceinture.
Elles servent à mettre des balles pour le MAS36 ou des chargeurs pour le MAS49, le MAS56 et la MAT.
Quelques copains ont des cartouchières en toile qui sont moins dures et plus légères.
Je me demande comment ils se les ont procurées.
Certaines unités de paras sont équipées d’une petite mitrailleuse légère à la place du FM, la AA-52, conçue pour les sauts en parachute.
J’ai eu l’occasion d’en voir au cours de certaines opérations. Notre unité n’en a jamais vu la couleur.
Pourtant elle nous aurait sacrément rendu service, surtout pour moi, pour les sauts d’hélico et les ratissages en forêt.
Le FM mesure plus d’un mètre cinquante de long. C’est assez encombrant quand vous l’avez en bandoulière.
Ma quatrième section est commandée par un adjudant- chef d’une bonne quarantaine d’année. Il y a également un maréchal des logis et deux ou trois brigadiers- chefs. Cette section est à peu près au complet quand je débarque à Kherba. Il y a pas mal d’anciens : des gars qui ont déjà quelques mois de commando.

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